Vente d’herbe ou bail à ferme? Attention à certains modèles de contrat!

En matière de vente d’herbe, ajouter foi au modèle de contrat actuellement proposé par la FWA revient à s’exposer à d’amères déconvenues.

Certains propriétaires de prairies se réjouissent d’avoir trouvé sur le net des modèles de contrat qui, pensent-ils, devaient leur permettre de rentabiliser leur bien et d’en assurer l’entretien sans courir le risque de verser dans les liens contraignants et durables d’un bail à ferme. Il n’est pas rare qu’ils doivent déchanter, car outre le danger inhérent à l’exploitation naïve d’informations récoltées sur le réseau, certains de ces modèles de contrat procèdent d’une mauvaise compréhension ou d’une confusion de notions juridiques distinctes. L’un d’eux – le premier qui s’offre à une recherche à partir des mots « contrats de vente d’herbe » (voir le lien suivant: http://www.fwa.be/wordpressfwa/wp-content/uploads/downloads/2013/04/Contrat-de-vente-dherbes.pdf) – s’intitule « Contrat de vente d’herbes ou pâturage saisonnier », et il fait immédiatement référence, dans son titre même, à l’article 2, 2° de la loi sur le bail à ferme, ce qui le rend problématique et le transforme en un piège ab initio.

 

 

1. Première erreur: assimiler vente d’herbe et contrat de pâturage, ou les rapprocher l’un de l’autre

On ne vend pas l’herbe de sa prairie lorsqu’on la met à disposition d’un exploitant dont les bêtes viennent la brouter: on donne sa prairie en jouissance. Mettre sur le même pied le contrat de vente d’herbe et le contrat de pâturage constitue donc une première erreur. Une vente se réalise en principe de façon ponctuelle, par le transfert de la chose vendue dans les mains de l’acheteur. La jouissance d’une chose s’inscrit au contraire dans une certaine durée.

 

2. Deuxième erreur: viser l’article 2, 2° de la loi sur le bail à ferme

Soumettre le contrat de vente d’herbe à l’article 2, 2° de la loi sur le bail à ferme en est une deuxième. Les contrats saisonniers ou contrats de cultures visés dans cette disposition sont des baux, non des ventes. Ils tomberaient dans le champ d’application de la loi sur le bail à ferme si celle-ci ne les en excluait pas. Ce sont des contrats par lesquels l’exploitant de terres ou de pâturages en concède la jouissance pour une durée inférieure à un an en vue d’une culture déterminée, en se réservant les travaux de préparation et de fumures. L’intention du législateur a été d’en permettre la conclusion quand un exploitant traverse certaines difficultés et s’en trouve tenu d’adopter un mode d’exploitation atténué. Encore une vente d’herbe serait-elle assimilable à un contrat de culture au sens de l’article 2, 2° de la loi sur le bail à ferme, elle ne pourrait être conclue que par un exploitant agricole se réservant les travaux de préparation: hersage, ébousage, étaupinage, lutte contre les adventices, scarification, engraissement.

3. Troisième erreur: parler de « mise à disposition » ou de « jouissance saisonnière »

Dans les modèles-pièges, on lit que celui qui déclare vendre l’herbe de sa prairie la « met à disposition » de son cocontractant qui l' »occupera » durant une saison. Le fauchage du foin et le pâturage par du bétail sont traités comme des équivalents. Le comble est atteint lorsqu’il est question de « jouissance saisonnière ».

Conclusion: ne pas s’en laisser compter par les modèles proposés

Rédigés sur base de tels modèles, les contrats ont beau être présentés comme des ventes, ce dont de véritables baux, fussent-ils conclus pour une durée réduite à une saison. Et si ces baux ne répondent pas aux conditions cumulées de l’article 2, 2° de la loi sur le bail à ferme, ce sont des baux à ferme.

La vente d’herbe est le contrat par lequel le propriétaire, l’usufruitier ou le locataire d’une prairie en vendent l’herbe. Elle n’implique aucune mise à disposition durable de la praire, aucun droit de jouissance. L’acheteur de l’herbe sur pied y accède juste le temps du fauchage, du fanage et du ramassage. Le contrat peut ne porter que sur une récolte ou s’étendre aux regains. Il exclut tout accès à la prairie par du bétail, c’est-à-dire le pâturage.

On ne peut que conseiller à ceux qui souhaitent conclure une vente d’herbe de rédiger un écrit et d’y préciser clairement que le contrat ne confère aucun droit de jouissance, qu’il n’a d’autre objet que l’achat de l’herbe sur pied, et qu’il n’autorise donc pas l’acheteur de l’herbe, s’il est agriculteur, à mentionner la prairie dans sa déclaration annuelle de superficies et de demande d’aides.

D »autres précisions sur les contrats de vente d’herbe peuvent être trouvées dans l’article suivant de notre blog: « Vente d’herbe, bail saisonnier et bail à ferme ».