Accès publics aux bois et forêts

Ce n’est pas parce qu’un accès aux bois et forêts est interdit à certains usagers qu’il est permis de l’entraver ou de le dissuader par des barrières ou des panneaux, fussent-ils dirigés contre ces seuls usagers.

Le décret du Parlement wallon du 15 juin 2008 relatif au Code forestier contient en son Chapitre IV une série de règles relatives à la circulation du public dans les bois et les forêts.

Parmi ces règles, l’article 22 du Code forestier interdit l’accès aux véhicules à moteur en dehors des routes, chemins et aires balisés à cet usage et prévoit des exceptions. La violation de cette règle constitue une infraction punie d’une amende allant de 40 à 1.000 € en vertu de l’article 103 du même Code.

En outre, les articles 14 et 15 du décret relatif au Code forestier permettent une limitation ou une interdiction temporaire de la circulation dans des situations particulières (comme le risque d’incendie, la menace pour la faune et la flore, le risque de perturbation significative de la quiétude de la faune, ou pour des raisons d’ordre sanitaire ou liées à la sécurité des personnes, ainsi que lors de chasses en battue). Hors des cas visés par ces articles, il est interdit, en vertu de l’article 17 du même Code, de dissuader par la pose de panneau, d’entrave, d’enseigne, de signe ou d’affiche la circulation sur les voies publiques qui traversent les bois et les forêts. La violation de ces règles constitue également une infraction en vertu de l’article 102, 2° du même Code punie cette fois d’une amende de 25 à 100 €.

Le propriétaire d’un domaine forestier se voit reprocher d’avoir contrevenu à l’article 17 précité par le placement de trois barrières métalliques coulées dans du béton, qui rendent l’accès impossible pour les véhicules motorisés. Pour les autres usagers (les usagers non motorisés dénommés les usagers « doux », tels que les piétons, les cyclistes et les cavaliers), le propriétaire avait installé un panneau indiquant qu’ils pouvaient franchir les barrières et que le passage demeurait libre. Sont également poursuivis un bourgmestre et une directrice générale (secrétaire communale) du fait de leur participation à l’infraction par la signature d’une convention.

Assignés devant le tribunal de police qui les reconnaît coupables, ils obtiennent l’acquittement devant le tribunal correctionnel où ils s’étaient défendus en invoquant l’article 22 susmentionné, duquel ils avaient déduit que l’interdiction de dissuader la circulation ne devait logiquement s’appliquer qu’aux usagers autorisés à passer. Ils considéraient donc que s’il était interdit de dissuader la circulation des usagers « doux », il devait être possible de dissuader la circulation des véhicules motorisés, puisqu’ils ne sont pas autorisés. A leur estime, l’interprétation contraire conduirait à interdire l’apposition de tout panneau, enseigne, signe ou affiche constituant pourtant un rappel utile à la loi. Le placement de barrières pourvues d’un panneau d’autorisation pour les usagers « doux » ne pouvait donc, selon eux, constituer une infraction.

Le juge d’appel s’étant rallié à cette argumentation, le Ministère Public, garant de l’ordre public et des intérêts de la société, a décidé de se pourvoir en cassation.

 

Par son arrêt du 9 mars 2017, la Cour de cassation casse la décision d’acquittement, essentiellement pour le motif suivant : « il ne se déduit pas du fait que l’article 22 interdit, dans les conditions qu’il détermine, l’accès des véhicules à moteurs aux chemins non balisés à cet usage, que la prohibition générale d’entrave à la circulation sur de tels chemins, visée à l’article 17, excepterait lesdits véhicules, de sorte que des barrières permanentes puissent en matérialiser le blocage de l’accès. La circonstance qu’un panneau indique que le passage demeure libre pour usagers non motorisés (…) est sans incidence à cet égard ».

Cette décision est conforme aux conclusions de l’Avocat Général. Ce dernier avait avancé en particulier que le placement des barrières constituait une entrave à la circulation, notamment des véhicules à moteurs autorisés en vertu des exceptions prévues par l’article 22 lui-même, et ne pouvait dès lors être qu’illégal.

En un mot comme en cent, réguler l’accès des bois et forêts lorsqu’il est public, notamment en l’interdisant en principe aux véhicules à moteur est une chose, dissuader et entraver en est une autre, qui doit rester l’affaire de la loi au travers des menaces d’amendes. La prohibition d’entrave ou de dissuasion est générale, et on a tort de la croire levée pour les accès que la loi interdit.