Distance des plantations sur la voie publique

La non-application au domaine public des règles du Code rural relatives aux distances des plantations n’est pas discriminatoire (Cour constitutionnelle, arrêt du 12 octobre 2017).

Un couple de propriétaires dont le fonds jouxte une voie publique sur le territoire de la ville d’Eupen demande au juge de paix d’ordonner l’abattage de tous les arbres de haute tige qui se trouvent sur un talus faisant partie de la voie publique, dans la mesure où ils se trouvent à moins de deux mètres de la limite séparative des propriétés, et l’élaguage des branches des autres arbres surplombant leur propriété privée.

L’article 35 du code rural ne permet de planter des arbres de haute tige qu’à la distance consacrée par les usages constants et reconnus, et à défaut d’usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les arbres de haute tige, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres arbres et les haies vives. L’article 36 du même code consacre le droit d’exiger l’arrachage des arbres, arbrisseaux et buissons qui n’auraient pas été plantés à distance légale, et c’est à l’article 37 que se trouve consacré le droit de faire couper par le propriétaire de l’arbre les branches surplombantes, et de couper soi-même les racines qui avancent au-delà de la limite.

Un vieil arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 1872 considère que la règle relative à la distance des plantations n’est pas applicable « au cas de deux propriétés voisines, dont l’une se trouve incorporée dans la voirie et est, comme telle, affectée à l’usage du public ».

Avant de statuer, le juge de paix d’Eupen décide de demander à la Cour constitutionnelle si cette interpétation des articles 35, 36 et 37 n’est pas de nature à entraîner une discrimination injustifiée entre les propriétaires privés et les pouvoirs publics.

Non, répond la Cour:

« Les voies publiques et leurs plantations de protection des talus diffèrent, quant à leur nature et leur affectation, des plantations se trouvant sur les propriétés privées. Les voies publiques et leurs équipements ne sont pas seulement destinés à la circulation et au transport de chacun; ils font en outre partie intégrante de l’environnement, du paysage et de l’aménagement du territoire. De par cette nature et cette affectation particulières, il n’est pas sans justification raisonnable que le régime de droit commun en matière de distance à respecter pour les plantations ne soit pas réputé généralement applicable aux voies publiques et à leurs équipements. Les besoins en matière de mobilité, d’environnement, de paysage et d’aménagement du territoire doivent en effet être déterminés en substance par des considérations d’intérêt général, alors que le régime de droit commun en matière de distance à respecter pour les plantations vise en premier lieu à préserver le bon voisinage des propriétaires privés. »

L’arrêt donne toutefois cette précision :

« Ce constat n’empêche pas que chaque autorité, dans l’exercice de ses pouvoirs, doive réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il appartient au juge compétent d’apprécier in concreto, en tenant compte de tous les aspects privés et publics de chaque cas, les nuisances qui pourraient découler des plantations de protection des talus d’une voie publique pour un propriétaire voisin et d’attacher le cas échéant à cette appréciation la conséquence adéquate. En vertu du principe d’égalité devant les charges publiques, une indemnité n’est requise que lorsque et dans la mesure où les effets de la servitude d’utilité publique ou la restriction du droit de propriété du groupe de citoyens ou d’institutions qui en font l’objet excèdent la charge qui peut être imposée dans l’intérêt général à un particulier. »

 

EnregistrerEnregistrer

EnregistrerEnregistrer