L’acquisition d’un bien rural tenu en location en vertu d’un bail à ferme est toujours une petite aventure: il est bon de ne s’y engager que bien informé.
Un récent arrêt de la Cour de cassation
Notre Cour de cassation a récemment prononcé, le 6 mai 2021, un arrêt qui reconnaît au tiers acquéreur sous condition suspensive d’un bien rural loué l’intérêt et la qualité auxquels est subordonnée la recevabilité de toute action en justice, lorsqu’il s’agit pour lui de faire en sorte que se réalise la condition dont dépend l’exercice de son droit.
On trouvera l’arrêt de la Cour de cassation en cliquant ici
Le droit de préemption est de règle, mais il connaît des exceptions
En cas de vente d’un bien rural loué en vertu d’un bail à ferme, le droit de préemption est de règle, mais il peut connaître des exceptions. En Région wallonne, l’article 52 de la loi sur le bail à ferme en énumère neuf. Ainsi par exemple le propriétaire ne doit-il pas faire offre de préemption au preneur quand il obtient du juge de paix l’autorisation de vendre son bien sans que le droit de préemption puisse être exercé (Loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme, article 52, 8°). La loi précise que le juge n’accorde cette autorisation que si le propriétaire a des motifs sérieux pour écarter le preneur et que, pour apprécier le caractère sérieux des motifs invoqués, le juge s’inspire notamment des dispositions de l’article 7 relatives aux motifs des congés.
Vente sous condition de dispense de notification d’offre de préemption
En l’occurrence, le contrat de vente avait été conclu sous la condition suspensive que le juge de paix accorde dispense de notification d’une offre de préemption. La loi réserve en principe au propriétaire le droit de demander cette dispense, mais dans son arrêt, la Cour de cassation reconnaît au tiers acquéreur sous condition suspensive un droit d’initiative sur base de l’article 1180 du Code civil. Cette disposition permet en effet aux créanciers sous condition suspensive d’accomplir tous actes conservatoires de leur droit.
Intérêt d’une telle condition pour le candidat à l’acquisition
L’on se demandera sans doute quel peut être l’intérêt, pour le propriétaire d’un bien loué et le candidat à son acquisition, de soumettre leur contrat à la réalisation d’une telle condition, sachant que de toute façon la vente n’a pas lieu au profit du tiers quand elle est soumise à la condition suspensive que le preneur n’exerce pas son droit de préemption, si celui-ci l’exerce. C’est que certaines ventes portent sur des biens mixtes, comprenant une partie que l’on peut vendre sans offre de préemption, et une autre partie qui, en principe, est soumise au droit de préemption. L’arrêt du 6 mai 2021 vise ainsi l’article 52, 7° de la loi sur le bail à ferme, qui fait exception au droit de préemption en cas de vente, par exemple, d’un terrain à bâtir immédiatement constructible. La partie du bien mis en vente qui n’est pas soumise au droit de préemption peut fort bien n’intéresser le tiers que s’il peut également acheter l’autre partie, sur laquelle le droit de préemption s’applique en principe. En pareil cas, le tiers candidat à l’acquisition ne s’engagera à acquérir la partie du bien sur laquelle le droit de préemption ne s’applique pas que s’il a la garantie de pouvoir acheter l’autre. Il peut donc avoir intérêt à prendre l’initiative de la demande de dispense, si le propriétaire ne la prend pas de son côté.