Recension du n° 4 de la Revue de droit rural 2017

Sommaire: « Freins et moteurs nationaux à la compétitivité en agriculture », (rapports belges pour le Congrès 2017 du Comité européen de droit rural à Lille), et bail à ferme: cinq décisions flamandes.

Le quatrième et dernier numéro de la Revue de droit rural pour l’année 2017 vient de paraître. Il s’ouvre sur la publication de l’une des études proposées dans le cadre de l’organisation du 29ème congrès organisé par le Comité européen de droit rural qui s’est tenu à Lille du 20 au 23 septembre 2017. Etant donné que chaque Etat réglemente les conditions d’exercice de l’agriculture ainsi que les conditions de production, de transformation et de commercialisation des produits agricoles et que ces règles peuvent avoir un impact direct ou indirect sur la compétitivité de l’agriculture ou de certains produits agricoles, il s’agissait de rechercher ce qui, dans chaque réglementation nationale, est favorable (moteur) ou défavorable (frein) à la compétitivité des agricultures nationales, cette compétitivité étant entendue comme « la capacité, pour une ou plusieurs exploitations agricoles, à accéder au marché national, européen ou international dans de bonnes conditions, voire dans des conditions plus favorables que ses concurrents. » L’étude publiée par la Revue de droit rural a été prise en charge par Etienne GREGOIRE, Antoine GREGOIRE et Julie MARIANI. Elle contient notamment une prise de position au sujet de la loi sur le bail à ferme et de la loi limitant les fermages, lesquelles sont rangées résolument du côté des freins à la compétitivité.

La Revue publie ensuite cinq décisions en matière de bail à ferme

Bail à ferme – Champ d’application de la loi – Manège et haras.

Un jugement du tribunal civil de Bruxelles confirme ce qui est actuellement de jurisprudence constante à savoir que, les chevaux n’étant plus que très rarement des animaux utiles à l’agriculture, leur élevage dans le cadre d’un manège ou d’un haras n’est pas couvert par loi sur le bail à ferme.

Bail à ferme – Congé pour motif d’affectation à des fins d’intérêt général.

Une autre décision du même tribunal réforme un jugement qui, en premier ressort, avait refusé la validation d’un congé donné par la Région flamande à des fins de reboisement. Pour le tribunal civil de Bruxelles, la volonté de restaurer et de rationaliser le patrimoine forestier de la Région flamande, et plus particulièrement d’aménager tel bois sur le territoire de telle commune bien précise, est une fin d’intérêt général admissible et suffisamment précise pour que le congé mérite d’être validé.

Bail à ferme – Droit de préemption – Identité de l’acquéreur – Notification d’une offre avec faculté d’élire command

Vient ensuite un jugement du Tribunal civil de Flandre occidentale, division d’Ypres, dont on retiendra qu’il faut se méfier des montreurs de marionnettes. Alors que l’identité de celui qui achète un bien rural ne doit pas être révélée dans l’offre communiquée par le notaire au locataire pour lui permettre d’exercer son droit de préemption, curieusement l’offre contenait en l’espèce l’indication de cette identité. Les locataires, recevant l’offre, avaient cru pouvoir se détendre après constatation que l’acquéreur apparent n’était pas un agriculteur, et ils n’avaient pas exercé leur droit de préemption. Ils n’avaient malheureusement pas remarqué que l’acquéreur apparent s’était réservé la faculté d’élire command, c’est-à-dire de désigner d’autres personnes comme acquéreurs en ses lieu et place. Le jugement valide le procédé et les déboute de leur action fondée sur la méconnaissance prétendue de leur droit de préemption.

Bail à ferme – Droit de préemption – Fraude (procédé dit de l’osmose inverse) – Méthode de calcul utilisée par le juge

Un jugement de la même juridiction yproise déboute une locataire qui se plaignait d’une fraude à son droit de préemption. Ses bailleurs avaient vendu en deux lots un bâtiment non loué, qui ne justifiait pas d’offre de préemption, et des terres louées, pour lesquelles une offre de préemption avait été notifiée mais à un prix tel que la locataire soupçonnait ses bailleurs d’avoir, en accord avec les tiers acquéreurs, gonflé le prix des terres en y faisant passer une partie du prix des bâtiments. L’originalité du jugement tient au fait qu’il invente une méthode de calcul utile pour la recherche d’une fraude, mais que l’appliquant mal, il fait reposer sa décision concluant à l’inexistence d’une fraude sur une erreur mathématique, au grand dam de la locataire qui avait obtenu gain de cause en justice de paix.

Bail à ferme – Congé donné par des copropriétaires au profit d’un conjoint disposant avec sa conjointe de 51 % de l’usufruit.

La dernière décision publiée dans ce dernier numéro de l’année 2017 a été prononcée par le juge de paix d’Izegem, qui avait été saisi d’une demande de validation d’un congé donné par plusieurs membres d’une même famille. Ces membres se partageaient en effet la propriété d’une terre à concurrence de 51 % pour un couple et ses deux enfants, et 49 % pour un frère du mari et pour sa propre épouse. Le juge refuse de valider le congé après constatation que le couple et les deux enfants se partagent leur part de 51 %  à concurrence de l’usufruit pour les parents et de la nue-propriété pour les enfants. Les parents n’avaient donc que 51 % de l’usufruit, or la loi ne permet la validation du congé, en cas de copropriété, qu’au profit de celui qui « possède » au moins une moitié, à moins qu’il ait reçu sa part en héritage ou par legs.