Bail à ferme et activités d’élevage ou d’engraissement industriels

La loi sur le bail à ferme s’applique-t-elle au bail d’un immeuble affecté à l’usage d’un bureau, d’un laboratoire pour l’insémination artificielle en vue de la reproduction de porcs et d’étable pour une soixantaine de verrats?

La loi sur le bail à ferme exclut de son champ d’application les baux de biens immeubles lorsque ceux-ci sont affectés à l’élevage ou à l’engraissement industriels « indépendamment de toute exploitation agricole ». Cela devrait signifier en principe que le titulaire de pareil bail peut se prévaloir d’un bail à ferme quand son activité à caractère industriel s’ajoute à une exploitation agricole qu’elle complète. Un arrêt de la Cour de cassation du 4 janvier 2018 invite toutefois à ne pas s’en tenir à une interprétation trop stricte, qui conduirait à refuser l’application de la loi sur le bail à ferme à une société consacrée exclusivement à l’élevage ou à l’engraissement industriels, bien qu’elle n’ait été constituée que pour des raisons patrimoniales par ses gérants exerçant l’activité proprement agricole en personnes physiques.

Le bail en question, qui avait été conclu pour une durée de dix-huit mois renouvelable de six mois en six mois, l’avait été avec les futurs gérants, soit pour compte propre, soit pour compte d’une société à venir. A strictement parler, la société en tant que telle n’avait pas d’exploitation agricole puisque l’activité agricole était poursuivie par ses gérants en personnes physiques. Mais pour la Cour de cassation, « l’indépendance de l’activité d’élevage ou d’engraissement industriels doit s’apprécier en fonction de la réalité plutôt qu’en fonction de la structure juridique au sein de laquelle les activités sont organisées, de sorte que la circonstance qu’une activité d’élevage ou d’engraissement industriels est poursuivie au travers d’une société n’exclut pas qu’elle puisse être dépendante d’une exploitation agricole. » La Cour en conclut que doit être cassé le jugement qui fonde le rejet du bail à ferme sur cette considération que les activités agricoles exercées par les gérants en tant que personnes physiques ne peuvent être prise en compte parce que le bail n’est pas conclu avec eux.

Cette décision est à mettre en regard avec un autre arrêt de notre Cour suprême prononcé le 13 octobre 2006. Cet arrêt a déclaré contraire à la loi un jugement qui avait validé le congé donné par un père au profit de son fils alors que ce dernier exploitait au travers d’une société. Voir également l’arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2017 commenté dans notre blog.